lundi 14 juin 2010

Personnage 1: premier post

6 mois après avoir rejoint le blog de Lews, il serait temps que je poste...

Me suis replongé dans Max Payne récemment suite à une offre sur Steam, et, plongé à nouveau dans l’histoire, me suis demandé pourquoi j’accrochais aux personnages comme ça…

Je suis un MJ. Je suis aussi un joueur ; de jeux de rôles comme de jeux vidéo. J’écris, aussi. Et j’aime bien voir des films et lire des livres. Un point commun de toutes ces activités, ce sont les personnages. Et la création de personnages présente, d’expérience, deux grosses difficultés : créer des personnages intéressants, et créer des personnages qui marquent.

Et, oui, ce n’est pas la même chose. J’ai découvert ça à l’issue d’une partie de jeu de rôle, où j’ai demandé à mes joueurs quels étaient les personnages rencontrés qui les avaient marqués. Les réponses n’ont pas vraiment été celles auxquelles je m’attendais. Ils se rappelaient des personnages que je considérais comme particulièrement intéressants quand je leur en parlais, mais ceux qui les avaient marqués étaient jugés intéressants pour d’autres raisons.

Déjà, c’est quoi, un personnage intéressant ?
-> Ce n’est pas un nom
-> C’est un détail
-> C’est un caractère


Ce n’est pas un nom.

Evidemment, 90% du temps, il va falloir un nom à votre personnage. Mais soyez prévenu, les joueurs ne s’en souviendront pratiquement jamais. Ils l’appelleront, par ordre de préférence :

-> Le nom d’un personnage de série/Dessin animé/film proche, si possible ridicule. J'ai ainsi décrit un personnage majeur de l'univers de Légende des 5 anneaux, un magicien du nom de Yogo Junzo, comme ayant la carrure d'un ours. Chose peu commune. Comment mes joueurs l'appellent entre eux, maintenant?

Dur...

-> Un nom de nourriture proche.
-> Tout autre jeu de mot (si possible tendancieux)
-> « McMachin et son {Insérer ici un objet ou habitude du personnage en question} », s’ils n’ont rien d’autre sous la main (et bravo pour en être arrivé là, déjà !).

Ne vous attachez pas aux noms de vos personnages !

C’est un détail.

Non pas que faire un personnage intéressant est un détail, c’est même crucial pour que les joueurs/spectateurs rentrent dans votre univers. Mais un personnage prend du volume par ses détails, par cette petite chose qui marquera les esprits.

Ça peut être un accent étranger (Vladimir Lem et son accent russe dans Max Payne), une couleur (le Cardinal, habillé en rouge, dans un décor en variations de rouge, fan de vin rouge, etc), un mystère (l’appartenance à une faction inconnue), etc. D’une certaine manière, on pourrait résumer ça par « un mot », un mot qui va définir le personnage. Un mot que vos joueurs partageront pour se souvenir du personnage (« ah, oui, miss cuir violet ! »).

Petit exercice, histoire que vous me suiviez bien. Pensez à quelqu’un que vous connaissez, n’importe qui. Vite ! Et maintenant, demandez-vous si vous arrivez à le qualifier en un mot. Et si quelqu’un à qui vous donneriez ce mot l’associerait à cette personne.

C’est pas forcément facile, hein ? Donc, vous pouvez ajouter : c’est un détail exagéré. Pas forcément jusqu’au ridicule (tout dépend du but du personnage), mais il s’agit ici de vraiment marquer le trait.
Un exemple contemporain (et je m'étonne que Lews n'ait pas encore fait d'article sur ce personnage): prenez Kratos, dans God of War.


Ouais, lui. Un détail intéressant chez lui, c'est sa peau blanche. Étrange, non, pour un guerrier aux trois quarts nus, passant son temps sous le soleil de Grèce ? Ça intrigue. On s'intéresse. Et quand on en apprend la raison, l'explication en est d'autant plus forte...

Il y a des limites, bien sûr. Prenez Nynaeve, dans la Roue du temps. Ses traits marquants sont un caractère de merde, et sa double habitude de tirer sur sa natte, et de croiser les bras sous ses seins. Sauf qu’elle est constamment en train de faire ça (et constamment d’une humeur massacrante). A force, ça en devient lourd.

Faut doser ce détail… Et plus un personnage apparait souvent, plus va falloir avoir la main légère avec.

C’est un caractère.

« Ma femme, comme la tienne, avant de dire que c’était des femmes, on pouvait dire que c’était des caractères… »

Là encore, quels sont les gens de la vrai vie dont vous vous souvenez ? De ceux qui ont un caractère bien défini (mais pas forcément trempé, ou sale). Un personnage, c’est pareil. Du moins, un personnage intéressant. Il a une façon de parler, de se comporter, il utilise certains mots plutôt que d’autres, il a des rêves, des envies et des peurs.

Prenez Planteur J’Me Tranche La Gorge dans Pratchett. C’est un personnage purement secondaire, mais dont le désir de gagner de l’argent est clairement affiché : il vend tout, n’importe quoi, et à n’importe qui, chaque fois qu’on le voit apparaitre. Et sa phrase iconique (« et à ce prix là, j’me tranche la gorge ») n’apparait même pas à chacune de ses apparitions. Elle est utilisée dans les premiers volumes, puis n’est plus que parsemée, histoire de rester un détail intéressant et pas un cliché.


Dans les jeux vidéos, prenez Franky « The Bat » Niagara (Max Payne ; je vous ai dit que j’avais le nez dedans). Personnage secondaire qui n’apparait que le temps de vous mettre quelques bons coups de batte de base-ball. Mais qui parle comme un bon vieux gangster. « I envy yer name ». « Nothin’ wrong with a littl’ laugh ». Non seulement ça, mais monsieur Niagara aime les dessins animés pour enfant, particulièrement Captain Baseball Bat. Il prend son temps avec ses victimes, et est un peu trop confiant en ses capacités. Hop, en 23 secondes, un personnage pas trop plat, un peu cliché (mais y a rien de mal dans les clichés bien utilisés), mais intéressant, vient d’apparaitre !

(L'accent n'apparait pas toujours à l'écrit. Il prononce ça "pleased ta meet'cha")

A l’inverse, prenez Kaufman (Max Payne 2). Kaufman apparait dans un niveau avec les autres Nettoyeurs, et a le droit à une présentation slo-mo avec son nom. Sauf que ? On le descend dans la foulée. Je n’ai jamais su qui était ce nettoyeur. Jusqu’à aujourd’hui, où j’ai fait mes recherches pour les besoins de l’article. Rien en français, j’ai juste trouvé dans un coin obscur du web qu’il était en fait le chef des Nettoyeurs. Ça, c’est un personnage mal introduit…


Bien évidemment, Tous les personnages présents dans une œuvre n’ont pas besoin d’être aussi détaillés. Mais c’est une nécessité pour ceux qui sont importants.

Ok, en espérant que ça vous ai intéressé, prochain coup, on va parler des personnages marquants.

4 commentaires:

  1. Curieux. Moi j'aurais dit que tous les personnages au dessus étaient des personnages "marquant" ils "marquent" l'esprit, restent en tête, on ne les oublie pas comme on se rappelle du tag en forme de chat qui souris sur le mur, mais à part ça ils ne sont pas intéressants. Du décor en somme.

    Du coup je suis intrigué, et en attente de ta définition d'un personnage marquant...

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  2. Bon, ajout à mon commentaire :

    Pour moi, un personnage intéressant est un personnage qui "suscite l'intérêt". Il crée des attentes : on veut en savoir plus sur lui, on suis son histoire, un lien émotionel est créé entre lui et le joueur/spectateur.

    Or, à part Kratos qui est héros de sa série de jeu (God of War), et qui est effectivement "intéressant" selon ma définition, les autres exemples que tu donnes (Planteur, Niagara, Kaufman, etc) ne sont des personnage "non-intéressants" : Ils n'agissent en rien sur l'intrigue de l'histoire ni sur l'évolution du personnage. On se fiche éperdument de savoir ce qui leur arrivera. Quand Max Payne est à la merci de Niagara, la question n'est pas "mais qui est ce type ?", la question c'est "A quel moment je vais lui péter la gueule et sauver Max ?" pour qui j'ai de l'intérêt : je veux la fin de son histoire ! Et puis j'ai pas envie qu'il crève Max, c'est "le héros" de l'histoire. En bref, comme je disais dans mon premier commentaire, ils sont purement décoratifs : ils participent à l'ambiance de l'univers, mais pas plus.

    Concernant le détail du post même : Le nom ? Je ne suis absolument pas d'accord avec ta critique. Le nom est un élément vital de tout personnage ! Si on cause décorum, le nom d'un personnage participe à l'ambiance. Si on cause intrigue, bien souvent les noms offrent un 2ème niveau de lecture/signification à un personnage.

    Après, si tu causes juste "mémoriel", les joueurs de jeu de rôle ont effectivement l'habitude (tradition ?) de donner des sobriquets aux personnages plutôt que d'utiliser leurs noms. Mais je mettrai un bémol sur cette tradition : ils le font surtout dans 2 cas :

    1) Quand le nom du personnage est trop compliqué ou exotique pour s'en rappeler facilement.
    2) Si un jeu de mot est trop facile à faire (comme ton yogi l'ours du dessus qui est visible comme le nez au milieu de la figure avant même que tu ne mettes l'image), ben là, on peut rien faire non plus. :) Moi j'avais eu un PNJ qui s'appelait Ruppert Heinz, et qui était colérique, ben il a pas fallu longtemps pour qu'il soit surnommé "Ketchup" par tout le monde... Et à partir de là c'était foutu.

    Bref, le nom EST important. Mais un nom seul ne suffit pas pour rendre un personnage intéressant (cf ma définition).

    Du reste, un détail NON PLUS n'est pas suffisant pour rendre un personnage intéressant. La peau blanche de kratos n'est PAS un détail : c'est significatif. Il y a une raison à cela, que nous apprenons à connaître au fil de l'histoire. Cela fait partie du passé du personnage. Un accent par exemple, c'est pas ça qui va rendre mon personnage intéressant. Si je colle un accent de marseillais à un personnage alors qu'on est à marseille, c'est du décorum : c'est normal qu'il aie cet accent, à cet endroit. Si je le fais alors qu'on est à moscou, là ça choquera, et on se dira "tiens, y'a un problème : ce personnage n'est pas là où il devrait". Mais ce n'est pas le détail qui donne de l'intérêt : c'est l'incohérence, le décalage, qui lui suscite de l'intérêt. Car ce qu'on veut savoir, c'est ce que fous un type avec le mauvais accent au mauvais endroit. Mais l'intérêt ne persistera que si c'est un élément d'intrigue ! Si c'est un marseillais qui a ouvert sa boutique de maillots de bains à Moscou, et qu'il n'a en fait aucun lien avec l'histoire, il sera relégué au mieux en tant qu'élément de décorum absurde (ambiance pratchettienne non-sérieuse), au pire il sera oublié et évacué de la mémoire.

    [SUITE CI DESSOUS, JE PEUX PAS TOUT POSTER D'UN COUP]

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  3. Pour le caractère du personnage, c'est différent. Là, je vais m'appuyer un peu sur McKee, pour différencier "Caractérisation" et "Caractère". Je cite en simplifiant : "Caractérisation = Somme de toutes les qualités observables chez un être humain, tout ce qui peut être connu grâce à une étude attentive : âge, QUI, sexe, style de discours et gestes, vêtement, éducation métier, etc.", et à côté nous avons le "Caractère : Le véritable caractère est révélé dans les choix que fais un être humain sous pression. Plus la pression est grande, plus la révélation sera profonde, et plus vrai sera le choix de la nature essentielle du personnage".

    Et dans le caractère se trouvent les données suivantes : cruel ou tendre, généreux ou égoïste, lâche ou courageux, etc.

    Suivant cela, le caractère est l'élément qui rend intéressant (toujours ma définition du dessus) un personnage, car c'est celui qui permet de jouer toute l'intrigue : un personnage va-t-il trahir, s'enfuir, ou aider tel autre ? Ca, c'est important, et ça changera toute la perception que les joueurs/spectateurs auront du personnage.

    S'il n'y a pas un caractère derrière, la caractérisation (que tu appelles caractère)... n'est à nouveau qu'une marque visible, un élément de décorum. Typiquement, qui est Niagara ? A part le prochain adversaire de Max Payne, que sait-on de lui ? Ok, il aime les dessins animés tout en étant un mafieux qui tue des gens à la batte. Mais il pourrait également être un maniaque de l'haleine fraîche et des chaussures bien cirées, tout en tenant de la même façon Max Payne à sa merci, avec le même sadisme (qui lui est un élément de caractère). Typiquement, comme avec mon exemple de marseillais à moscou, ce n'est pas réellement la caractérisation du personnage, mais le décalage entre "ce qu'on attend" d'un mafieux lambda, et ce mafieux ci un brin excentrique qui suscite de l'intérêt. Mais une fois cette surprise passée, il ne reste rien de plus qu'un adversai à étaler pour survivre comme les 200 précédents. Ca sera sans doute un boss ou équivalent vu qu'il a eu une présentation, mais ça ne le rendra pas plus intéressant. Si par contre il survit à son combat contre Max, et qu'il se prend d'amitié pour ce dernier et l'aide par la suite, là ça sera plus intéressant (à condition de rester cohérent) : on pourra se dire qu'en fait, c'était quelqu'un de gentil, ou loyal, ou peu importe, mais bref il aura été plus que simplement sa coquille de mafieux excentrique.

    J'vais arrêter là pour l'instant, j'attend la 2ème moitié de ton article, histoire de voir ce qui pour toi est un personnage "Marquant".

    Pour moi, là, tu as "juste" donné au dessus quelques règles de comment faire des personnages participant à l'ambiance d'un univers, au décor. :) Mais pas plus.

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  4. Ben, c'était un peu le but, en fait :D. Mais c'est ça que moi j'appelle des personnages intéressants.

    Toutefois, quelques petits commentaires.
    Il y a une différence à mes yeux entre susciter l'intérêt et susciter des attentes. L'intérêt, c'est quand le spectateur se relève de son apathie profonde du fond de son canapé ne serait ce que quelques minutes, voire même qu'un sourire fugace éclaire son visage.
    Les attentes, là ce coup ci, il est agrippé à son fauteuil et tape dessus si le personnage est laissé de côté.
    C'est des degrés différents pour moi.

    C'est sur qu'il FAUT donner un nom à un personnage, et qu'il faut quand même y réfléchir. Mais c'est rarement ça qui fera le personnage, lui donnera corps. C'est peut être moi, mais c'est pas ce que je retiendrais d'un personnage. Me souviendrais bien plus des détails, physiques ou de langage.

    Rien à dire sur l'histoire du détail en décalage. C'est plus ou moins ce que je voulais dire, en mieux exprimé... C'est pas forcément que c'est un décalage, mais c'est quelque chose qui attire néanmoins l'oeil et l'esprit.
    Et je maintiens que la peau de Kratos est un détail. Détail visuel qui permet de le séparer des autres personnages, et des adversaires. Il a sa raison d'être, c'est ce qui fait entre autres que les gens le reconnaisse. Mais c'est une des choses qui font que Kratos est "intéressant". S'ils avaient enlevé ça en gardant l'histoire identique, le personnage perd de son coté unique, et devient un personnage bien plus banal.
    Quand je parle de détail, c'est pas au sens péjoratif du terme, et ca ne veut pas dire que c'est sans importance. Mais je n'ai pas d'autre terme de remplacement.
    Je ne suis pas non plus d'accord sur le fait que l'intérêt ne persistera que si le personnage est un élément de l'intrigue. S'il ne revient jamais dans l'histoire, certes (genre la Fée des Dents dans Overlord Dark Legends, qui a une bonne voix grave de mec, et a un bon coté mafieux, mais qu'on ne voit en tout et pour tout que 5 secondes, et qui n'est cité ni avant ni après). Mais un personnage récurrent peut garder son intérêt de par ce décalage, justement, parce qu'il rend l'univers vivant.

    Pour le reste, je vais finir mon article...

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