samedi 6 juin 2009

Conclusion sur Persona 4 : Pourquoi c'est fun?

Suite et fin de mes réflexions basées sur Persona 4. J'avais surtout parlé de la narration de l'histoire la fois précédente, je vais donc m'attarder sur le système de jeu proprement dit cette fois.

Pour être honnête, il se trouve que P4 fait partie de ces jeux qui se sont contentés de parfaire des concepts existants : si vous dites "Ha mais ça, ca existe ailleurs !"... c'est normal. Je n'ai vu qu'un seul truc uniques à P4 au cours de la partie, le reste étant des reprises d'anciennes idées avec de sévères améliorations.

Go !

Le background et les règles sont séparées par une cuillère... (et la cuillère n'existe que dans ton esprit)

L'originalité de P4 en terme de système se situe dans l'évolution des actions en combats en fonction du degré d'amitié entre le héros et ses alliés. Les boosts accordés sont si utiles (protection du héros, encaisser un coup mortel, restaurer ses alliés, coup spécial, et finalement booster son Persona) qu'il est difficile d'envisager les derniers combats avec d'autres alliés que ses meilleurs amis. Admirablement adapté au pitch de Persona 4, qui consiste à suivre les aventures d'un groupe d'amis, et où le héros tire son pouvoir de ses liens avec les autres, vous ne trouvez pas ?

Cette petite originalité me rappelle que pas mal de jeux marquants, avaient un système incitant le joueur à respecter l'univers, sans le forcer par des restrictions artificielles.

Le meilleur exemple qui me passe par la tête est La Guerre de l'Anneau, un jeu de plateau basée sur la célèbre trilogie de Tolkien. Au lieu de pousser les joueurs à suivre le déroulement du livre, les règles incitent les joueurs à les viser, tout et en s'arrangeant pour que chaque choix/évènement du livre puisse se justifier dans le jeu. Pourquoi garder Frodon dans la communauté ? Pour pouvoir en sacrifier les membres si Sauron localise l'anneau. Mais pourquoi séparer la communauté, alors ? Ben, pour que les héros qui la compose aille préparer les peuples libres à la guerre. Pourquoi attaquer le Mordor, qui ne peut pratiquement pas perdre militairement ? Pour que le joueur-Sauron utilise ses dés d'actions pour repousser l'assaut plutôt que pour traquer l'anneau. Etc...

Au final, chaque partie permet de former une histoire alternative qui reste cohérente avec l'original, le tout avec un système au coeur relativement simple, et où les nombreuses exceptions sont gérées sous la forme de cartes d'actions piochées chaque tour.


Moralité : Il n'y a pas de rupture entre le background et les règles ! Un bon système de jeu incite les joueurs à s'intéresser au scénario, à respecter son l'univers et à être dans le "ton" de l'histoire (pas forcemment les trois à la fois).

Attention, j'ai bien dit il incite, pas oblige. L'obligation implique une restriction artificielle et peut se révéler frustrante, alors que l'incitation permet à chacun de trouver son amusement tout en favorisant un certain style de jeu.

Ou, pour faire simple: si vous voulez que vos joueurs passent plus de temps à négocier des contrats qu'a tataner la gueule des monstres, arrangez vous pour que ca soit au moins aussi marrant à jouer, plutôt que d'interdire le combat !


Simple sans être simpliste, complet sans être complexe

Un autre point que j'ai apprécié dans Persona 4 est le système de combat proprement dit. Le principe des points faibles est, pour moi, assez proche du Graal de la conception en terme de combat.

La base est simple : quand on attaque un ennemi sur son point faible, ça fait plus mal. Le twist qui fait tout, c'est qu'après ça, la victime tombe à terre, et l'attaquant peut enchaîner avec une seconde attaque. Réattaquer un ennemi à terre sur sa faiblesse l'assome pour un tour, et si tous les ennemis sont à terre, l'équipe entière se rue à la curée pour les achever.

Rien de compliqué, hein ? Regardons les implications tactiques de ce système "simple" :
  • Lorsqu'on découvre un ennemi, on va tester les différentes attaques à la recherche de sa faiblesse.
  • On va varier le groupe suivant les ennemis, pour amener ceux qui ont les Persona les plus utiles (ou les moins boulet) face aux ennemis en cours.
  • Les ennemis peuvent être de vraies menaces, vu qu'il existe une solution (couteuse) pour les abattre rapidement: mettre tout le monde à terre et les achever avec une attaque de groupe.
Pas mal, non ? Mais là où ça devient vraiment sympa, c'est que ce système sert, encore une fois, l'ambiance du jeu. Les points de magie partent vite, et les ennemis étant considérablement bourrins, ils sont généralement utilisés pour guérir le groupe après chaque combat. Sortir le grand jeu est généralement viable sur une très courte durée, après quoi il faut mettre un terme à l'exploration du donjon pour ce jour, et revenir le lendemain après une bonne nuit de sommeil... Et les donjons sont toujours en temps limité.

On est donc souvent dans une situation où les points de magies doivent être économisés: on ne peut donc pas y aller à fond sur chaque combat... Et hop, avec ce système simple, on retrouve la dynamique des shonen dont s'inspire la série des Persona (sérieusement, y'a même des mangas pour chaque jeu !) : dès que ça tourne mal, le héros, qui a accès a un large panel de pouvoir via sa capacité unique a avoir plusieurs Persona, a fréquemment accès aux sorts pour exploiter chaque faiblesse, et peut donc facilement dégommer un groupe d'ennemi entier à lui seul, en cas d'urgence. Vive le One More.

Soutien

Je dois dire que la présence d'un personnage de soutien est la plus grande surprise quand on ne connait pas Persona 3. C'est, encore une fois, un lien entre le background et les règles. Si les héros sont synchronisés, qu'ils ont une vue claire du champ de bataille, arrivent à fuir, ont une "mini map" pour se repérer, etc... c'est pas parce qu'on est dans un jeu vidéo. C'est parce qu'ils ont un allié avec des pouvoirs spécialisés pour ça qui leur file des infos. Un détail, peut être, mais qui renforce l'immersion, un peu comme les barres de vie et les hologrammes de Dead Space : presque tout ce que le joueur voit est explicable dans l'univers du jeu.


Conclusion

J'ai mis longtemps à finir cet article, et depuis, j'ai commencé à jouer à d'autres jeux - mon expérience avec P4 est donc un peu "passée", et j'ai donc pas forcemment dit tout ce que j'avais à dire sur le sujet. M'enfin, j'ai couvert l'essentiel de ce qui m'avait marqué.

Pour résumer, en terme de système de jeu, je retiens P4 pour trois choses:
- le fait qu'il renforce l'histoire à chaque occasion
- le fait qu'il permette de jouer intelligemment ou bourrinement avec un système simple à comprendre
- le fait qu'il essaye d'être intégré au mieux dans l'histoire du jeu.


Probablement trois choses à retenir pour la suite.

mardi 2 juin 2009

Personna 4, première conclusion: La théorie de l'IHJ

C'est parti pour tirer quelques conclusions de Personna 4. Je vais commencer par une petite réflexion provoquée par la qualité du chara design de P4.

Comme a mon habitude, je vais enfoncer quelques portes ouvertes, mais que vous voulez vous, les fermées, ca fait mal à l'épaule, alors...


Théorie de l'immersion : Rappels

Il n'y a pas photo, une bonne partie de l'intérêt de P4 provient de la facilité avec laquelle on se plonge dans une histoire pas forcemment sexy de prime abord.

L'enfonçage de porte ouverte commence: un joueur n'est pas dans l'univers du jeu : il est tranquillement sur un canapé, un pad à la main. Pour l'impliquer le joueur dans un jeu, on dispose essentiellement de deux angles d'attaques :

- l'aspect ludique : si le joueur s'amuse comme un petit fou, il rentrera plus facilement dans le jeu. Ca se traduit donc essentiellement par l'aspect "système" du jeu : prise en main, système, trucs funs, etc..

- l'aspect scénaristique : à l'instar d'un film ou d'un livre, la narration de l''histoire d'un jeu peut captiver un joueur en elle même.

Intéressons nous à cet aspect. On se heurte à nouveau au problème de distanciation, cette fois entre le joueur qui regarde l'intrigue et son personnage qui la vit. Des tonnes de gens très intelligents ont appellé la solution de ce problème la suspension of disbelief et indiquent des tonnes de techniques d'écriture pour la créer, toutes très bien pensées.


La théorie de l'Interface Histoire-Joueur (IHJ)

Cependant, pour ma part, je vois le problème sous un autre angle: pour provoquer l'immersion du joueur réel dans l'histoire virtuelle, il lui faut un medium par lequel l'émotion suscitée par l'intrigue peut transiter jusqu'au joueur. Notamment, via un ou plusieurs personnages auquel le joueur peut réagir. C'est ce que je me suis amusé a appeler les IHJ, ou Interface Histoire-Joueur.

Dans un livre ou un film, c'est le boulot des personnages principaux et du grand méchant. Laissons de côté de Grand Méchant un moment : dans un jeu vidéo ou un JDR, les personnages centraux sont, ben, joués. Ca peut être problématique, puisque les joueurs sont notoirement doués pour faire tout, sauf ce qu'on attend d'eux. Et dans un Jeu Vidéo, recevoir un impact émotionnel d'un perso que vous avez fait mourir 100 fois, c'est pas simple...


Etre un Héros et un IHJ ?

On peux tenter d'appliquer la recette du ciné, en traitant le héros comme un PNJ que le joueur dirige de temps à autres.

La méthode est simple: il suffit de prendre le contrôle du héros pour les étapes importantes de l'intrigues (en JV, ca donne des cut scenes où on regarde son perso agir), et limiter l'influence qu'a le joueur sur son avatar (options limitées dans la résolution des péripéties du jeu; dialogues rédigés traduisant la personnalité du héros, en laissant aucune ou très peu d'alternatives au joueur pour orienter son comportement).

Le héros, au lieu de devenir l'instrument du joueur dans le monde du jeu, devient un personnage à part entière auquel le joueur doit essayer de s'identifier, et qui est un véhicule de l'émotion de l'histoire à part entière.

Cette technique marche : elle est même la norme dans le jeu vidéo, d'ailleurs; les rares jeux où elle n'est pas employée ont un personnage qui porte souvent le sobriquet de "silent protagonist" (puisqu'il ne dit rien et ne montre aucune personnalité, laissant au joueur le soin d'imaginer ce que dit réellement le héros. Les Shin Megami Tensei, et donc par extension Persona 4, souscrivent à ce principe). Alternativement, une méthode batarde est employée par les RPG genre Fallout ou Arcanum, qui offrent un vaste panel de réponse variant selon les caracs du protagoniste et les choix passés du joueur : on est donc a mi-chemin entre un perso "scénarisé" et un perso totalement contrôlé par le joueur.

En JDR, on retrouve également cette technique, par exemple, dès que le MJ intervient sur un PJ; par exemple par le biais d'actes passés qu'il a oublié et où le MJ a toute latitude de faire agir le personnage du joueur comme bon lui semble. Je l'ai employée, et elle marche très très bien aussi.

Mais vous savez quoi ? Je la trouve un peu casse-gueule, parce qu'on risque de nuire à l'immersion du joueur, qui sentira que son personnage n'est pas réellement son personnage. A employer intelligemment, donc, et en conjonction avec les autres méthodes


Les PNJs-IHJ


Ce que Persona 4 m'a appris, c'est que le rôle d'IHJ pouvait être tenu avec brio par un petit groupe de personnages secondaires récurrents, qui, en interagissant avec le joueur, transmettent diverses façon de réagir à l'intrigue... et on s'attache à ceux qui nous touchent le plus. Dans tout les cas, il y a de fortes chances que l'impact émotionnel soit communiqué d'une façon ou d'une autre au joueur, ce qui en fait une technique plutôt fiable.

D'ailleurs, tout les rôlistes vous le diront: un bon MJ interprète bien ses PNJs !

L'inconvénient majeur de cette technique est la quantité de boulot colossale nécessaire pour créer un pool de personnages pouvant servir de medium avec le joueur, et, dans le cas du JDR, à les interpréter. On se retrouvera pour cette raison fréqumment avec un pool d'environ 3-4 persos récurrents jouant ce rôle.

En offrant une équipe de neuf personnages très développés liés à l'intrigue principale, plus une dizaines d'autres persos qui la vivent de l'extérieur, P4 a fait très très fort à ce niveau. Il est logique de s'immerger dans l'hisoitre avec un tel nombre de vecteurs émotionnels de qualité à disposition.


Le Villain-IHJ


Dernière forme de vecteur émotionnel nécessaire à une intrigue, le Grand Méchant. Encore une fois, j'enfonce une porte ouverte en disant que si le dernier boss, l'ennemi, le salaud que le joueur tente de contrer... n'évoque qu'un vague sentiment de fatigue parce que le joueur court après une petite frappe depuis le début de la partie, c'est non seulement qu'il y a un grave problème avec ce Villain, mais qu'en plus qu'il y a un risque énorme que le joueur sorte brutalement de l'intrigue à la toute fin de l'histoire !!!

Pour donner un exemple, Farenheit est un excellent jeu qui souffre de ce problème de "dernier boss minable", ce qui provoque une fin en douche froide des plus agaçantes (et en plus, c'est mal expliqué).



Et je crois que c'est tout pour aujourd'hui.
Je parlerais des conclusions sur l'aspect ludique la prochaine fois.